Un jour de foire à Dieupentale (Conte)

Aujourd’hui 14 février c’est la foire à Dieupentale. Si!…si!… ? Vous pouvez regarder c’est écrit sur l’almanach du facteur. Depuis quelques jours c’est l’effervescence dans le centre du village des piquets ont été plantés et des câbles tendus, de la place de la poste jusque devant la mairie pour y recevoir les bêtes de la foire, bœufs, vaches, chevaux, mulets, ânes.

Tout autour de la place, des bancs pour y recevoir les marchands de petite volaille, poules, coqs,canards, oies, pintades, lapins, les autres marchands forains seront installés le long du mur du clos ,et sur l’avenue du général Larroque. C’était un peu la fête dans tous les foyers du village, les jours de foire. Le froid de la nuit avait gelé le sol ce matin-là, nous entendions l’écho des pas des hommes et des animaux, le roulement des charrettes qui venaient de tout le canton vers le centre du village. Dans la grande cheminée de la pièce principale, les flammes léchaient la grande marmite noire et ventrue, qui allait cuire le pot-au-feu du repas. Je fus sorti du douillet creux de la paillasse de mon lit, plutôt que d’habitude ce matin-là, dès le grand bol de lait avalé, chaussé de mes galoches, toute chaudes de la cheminée, enfilé le gros manteau de laine, les mitaines, et le béret qui couvrait les oreilles. Mon père me prit la main et nous partîmes par le chemin de halage, à la rencontre de ma grand-mère, qui venait du village voisin invitée à passer la journée. Je trottinais pour pouvoir suivre les grands pas que faisait mon père avec ses sabots.

Soudain dans la brume du lever du jour, une petite silhouette apparue, elle était petite ma grand-mère, mais elle me paraissait encore plus petite sur ce long chemin de halage. Arrivée à quelques pas de nous, elle mit à terre ses sabots du dimanche et pris les vieux sabots quelle enveloppa d’un papier journal les fourra dans son grand panier d’osier, qui contenait aussi quatre pots de confiture. Mon père prit le panier tout en demandant à ma grand-mère ( a bes plai caminat ) ce qui voulait dire vous avez fait bon chemin, j’ai toujours entendu mon père dire vous à sa mère. C’est elle qui me prit la main et nous rentrâmes à la maison d’un pas moins rapide. Après avoir réchauffé nos corps devant la cheminée, nous voilà partis pour la foire. Sur le chemin un grand embouteillage, de charrettes, calèches, chevaux, vélos, beaucoup de gens à pied avec grandes panières d’osier, même des Toulousains étaient descendus du train, pour acheter, quelques carcasses de canards gras.

Dans tout ce tumulte de monde, je n’étais pas trop fier, mais rassuré par la main chaude de magrand-mère, je me serrais contre sa grande cape de laine. Voilà le rémouleur, qui aiguise, couteaux ciseaux, il étame aussi cuillères et fourchettes, répare les récipients en grès. Le quincaillier qui vend des chaînes, pour gros animaux et plus petits, outils de jardinage, des faux, des marteaux, clefs, pinces, limes, des récipients en tôle galvanisée, seaux, bassines, lessiveuses, des trépieds, pourposer les chaudrons sur le feu.

Devant les ateliers des forgerons, étaient exposés quelques gros outils à traction animale, des brabants, herses, décavaillonneuses, faucheuses mécaniques. Le sabotier qui expose des sabots,de toutes tailles, du fin, sculpté et vernis pour les femmes, au gros sabot brut pour les hommes, sur son socle, à grand coup gouge et précis il creuse la masse de bois qui deviendra le sabot. Aussi quelques marchands de légumes. Là sur un étal un marchand vendait des oranges, ma grand-mère en choisi une, me la met dans la main, sort de sa petite bourse usée une pièce de monnaie trouée dont je neconnaissais pas la valeur la donne au marchand.

Nous allons voir les gros animaux alignés tout le long de la grande rue, de belles bêtes qui me paraissaient énormes, avec le poil brillant, bien étrillé, et brossé, leurs sabots sont passés au noir. Les grands enfants des fermes, qui étaient chargé de surveiller les bêtes, courraient dans tous les sens et jouaient avec l’aiguillon réservé aux bœufs, pendant que leurs patrons concluaient la vente avec un client sur le zinc devant un verre de blanc, dans l’un des bistros du village. Mon père était en discussion, avec le marchand de porcelets, il en avait choisi deux qui nous seraient livrés en fin de soirée.

Devant l’atelier du bourrelier sur des tréteaux, étaient exposés des colliers, selles, licous et harnais,qui sentaient bon le cuir tout neuf. Je tenais toujours serrée contre ma poitrine, l’orange qui commençait à me donner des crampes dans le bras, mais que je ne voulais surtout pas la laisser tomber. Devant un étal de tissus, ma grand-mère acheta un coupon de tissu noir, qu’elle laissera chez la cousine couturière, qui doit lui confectionner un ensemble de cotillon. Flânant encore un peu devant les étals, nous rentrâmes à la maison, enfin soulagé de pouvoir poser sur la table mon orange. Une bonne odeur de cuisine venait du côté de la cheminée. Inutile de dire que toutes les discussions du repas furent centrées sur la foire. (Y a biò plan des monde é des polidas mercandisa). Mon père pestait que les porcelets avaient encore augmenté, de l’année précédente, si cela continue avec la vente du cochon gras au boucher, on ne pourra plus se payer les porcelets et les premiers sacs de farine pour recommencer le cycle d’engraissage de l’année. La foire terminée, les premiers voisins qui on un potager irons avec leur brouette se disputer pour ramasser la paille, les bouses et crottins de cheval, pour fumer la terre de leur jardin qui donnera de beaux légumes au printemps, il n’y avait pas besoin des cantonniers pour nettoyer la place les jours de foire. À la fin du repas ma grand-mère épluchât l’orange en faisant un beau tortillon avec la peau sans le couper ce qui me paraissait un exploit, et me donnât un quartier, que je reniflais d’abord et mordis, je dus faire une drôle de grimace qui fit rire tout le monde, confus je devins tout rouge, c’était la première fois que mes petites dents de lait mordaient un quartier d’orange. Ma grand-mère se préparât pour repartir elle ne voulait pas rentrer trop tard, dans son panier ma mère remplaçât les pots de confiture par un pot de graisse de canard et de confis. Mis sur ses épaules la grande cape lourde, à ses pieds elle chaussa les vieux sabots pour ne pas user ceux réservés pour les jours de fête. Et heureuse de cette belle journée et d’un pas décidé repris le chemin de halage, vers le village voisin.
C’était l’orange de ma grand-mère, un jour de foire à Dieupentale. H.L



  1. Merci Hubert pour ce joli récit malgré la guerre. J’ai été aussi étonné que toi de me retrouver avec toi…

  2. Magnifique souvenirs dans ce village !!!